LE PARADOXE DU CORPS
par Guilhem Barbet.
Dans ‘Fragments d’un discours amoureux’, Roland Barthes notait que “ce que cache [le] langage, [le] corps le dit“. Et ce que le corps ne dit pas, la peinture de Laurent Anastay Ponsolle le cherche.
L’artiste s’abandonne à la peinture comme le corps
s’abandonne à l’érotisme.
Ses compositions sont mises en lumière par des membres saillants, avalés par la pénombre et surgissant de l’obscurité, des compositions où la morphologie devient géométrie ; où le corps devient science.
Faisant remonter au jour le dessin-structure, le dessin-accoucheur qui s’était glissé sous le pigment et l’huile, Laurent Anastay Ponsolle n’envisage plus le rapport dessin-peinture comme une dualité, mais comme un relais où la peinture exprime ce que le dessin ne peut dire et où le dessin crie quand la peinture est muette.
Le dessin resurgit alors sur l’épiderme du tableau, telle une cicatrice de sa lutte millénaire et consubstantielle avec la peinture. Rien d’anormal quand on sait que Laurent Anastay Ponsolle a commencé par le dessin et le perçoit toujours comme ‘son moyen d’expression de prédilection’.
Lentement, le sens apparaît là où les corps disparaissent.
Individus rougis, aux membres cernés ; individus fondus, effacés dans le noir, dans les autres, dans l’abstraction. L’œuvre est- elle un instant figé ? Ou alors la cristallisation d’un mouvement en marche ? Ou bien même une évacuation du temps pour une immortalité qu’on essaye de toucher du bout de doigts squelettiques ?
C’est aussi et sans doute un moment de vie anonyme - délaissé par les visages, un instant de vie générique, vécue, déchirante, où le geste comme le désir échoue et recommence pour créer un véritable processus artistique.
Raturer, gommer, redessiner, courber, briser, renouveler... La démarche de Laurent Anastay Ponsolle est quasi-infinie. Il y a la croissance des formats, l’évolution des techniques, la variation des détails, la ronde des modèles où Laurent Anastay Ponsolle se fait le traqueur obstiné des sensations présentes qui se refusent à notre perception.
Et dans le même intervalle, en représentant le corps, notre statut d’homme sensible, notre passeport pour la vie, il tente de s’y soustraire. C’est son paradoxe ; c’est le notre à tous.
Tout appelle le corps. Le papier lui-même sur lequel Laurent Anastay Ponsolle a commencé le dessin et la peinture, corps granuleux comme une peau frissonnante, vergé comme les hanches d’une femme usée, ondoyant sous la lumière comme un dos rond au réveil. C’est intentionnellement aussi que Laurent Anastay Ponsolle a préféré un papier de gravure, un papier velouté, sensible, fragile, destiné à être délicatement pressé pour recevoir une copie mais jamais la main originale d’un artiste. Le papier est un corps qui se découvre avec pudeur, se révèle, s’apprivoise et se caresse avec respect.
Les membres de Laurent Anastay Ponsolle deviennent des corps sur le corps, des peaux sur la peau, une opération directe, instantanée, spontanée où chaque balafre est ensuite reprisée délicatement, sensuellement, et où le dialogue s’installe entre la chose blessée et le geste blessant. C’est une quête immense, une œuvre unique, forte, où les fusions et les pulsions de matière interrogent un perpétuel paradoxe.
Guilhem Barbet, Mars-Avril 2017.
Laurent Anastay-Ponsolle, le paradoxe du corps.
ULTIME ETREINTE
par Corinne Thimen
La Mort se bat avec la Vie.
Elle la veut son étreinte
Elle la veut elle aussi
l’étreinte de l’amour
étreinte pour la vie.
C’est l’étreinte de la Mort
unique et passionnée
l’étreinte à jamais
celle de l’éternité.
Exclusivité.
Absolue étreinte.
Plus personne après toi.
Plus personne après moi.
Etreinte de la Mort
Etreinte pour la Vie
C’est l’étreinte de la Mort
qui veut rester en vie.
Le sang dégouline
comme de l’amour la sueur
Le sang dégouline
comme de l’amour les humeurs
Tu seras à moi pour l’éternité
Absolue noirceur.
Ultime étreinte pour la Mort qui vit
sa passion absolue
d’être la toute dernière qui embrasse
qui embrase la Vie
qui embrasse toutes les vies.
La plus grande amoureuse
aime sur son passage
tous les êtres de sang.
Goulûment elle les boit
Goulûment elle les suce
les aspire goutte à goutte
pour qu’il n’en reste rien.
Insatiable se repaît
Toujours plus affamée
toujours plus assoiffée
Pour les laisser sans vie
mais enfin dans la paix.
Elle avance un à un
tous ses grands doigts osseux
Il avance un à un
tous ses grands doigts osseux
La passion de l’amour leur fait fermer les yeux.
Ce moment est fatal.
Ils entrent dans la nuit
Ils entrent dans leur rêves
tous leur rêves de folie
En un cri
En un râle
Ils vont la vivre enfin
En une ultime faim
l’étreinte de leur vie.
Corinne Thimen Octobre 2016
Tableaux et dessins
par Laurent Anastay Ponsolle